Le Jardin Retrouvé est une Maison de Haute Parfumerie indépendante artisanale et familiale. Elle fut créée en 1975 par Yuri Gutsatz, parfumeur renommé et père fondateur de la parfumerie de Parfumeur.

En 2016, son fils et sa famille réinventent Le Jardin Retrouvé, tout en gardant les formules de Yuri, ainsi que ses fournisseurs historiques. Ils invente aussi un concept original. Rencontre.

D’un testament olfactif, Le Jardin retrouvé fait jaillir l’Experience Store. De quoi s’agit-il?

Michel : Clara a construit un lieu unique qui permet à la fois d’entendre une histoire pour chaque parfum, de voir une vidéo et de sentir le parfum. On prend un audioguide comme dans les musées, on écoute une histoire qui évoque le parfum. Et puis, on peut sentir l’odeur qui accompagne l’histoire. L’histoire fait voyager parce que chaque parfum est associé à un jardin, le jardin retrouvé.

Clara : De ces parfums est née l’idée d’une expérience à partager : une invitation à des voyages sensoriels et imaginaires.

Il s’agit en effet de faire appel à tous nos sens ou presque…

Michel : Tous les parfums peuvent être ressentis de manière synesthésique (sentir, toucher, entendre et regarder). Ils sont exposés dans 11 boîtes en bois. C’est exactement la sensation que vous ressentiriez dans un vrai jardin : paix, calme, beauté, oiseaux (une bande sonore de chants d’oiseaux joue en arrière-plan), lumière (avec un arbre de lumière au centre).

Comment avez vous conçu ces escapades ?

Michel : Pour que chaque parfum possède son visuel unique, Clara a imaginé un collage digital, créé à partir de différentes photographies prises par elle, saturées, travaillées, superposées. Son travail fonctionne comme une double métaphore : celle de la mémoire olfactive en tant que souvenirs superposés à la réalité, et celle de la construction d’une fragrance et de ses étapes, essais, erreurs et succès

D’où vous viennent toutes ces idées ?

Clara : Mes deux inspirations ont été Narnia (j’ai écrit un livre de 350 pages sur Narnia sous le nom de Virginie Michelet, mon nom de plume) et bien sûr, Alice au Pays Des Merveilles. Il y a un peu des deux dans cette installation, car on entre dans la salle d’expérience par une armoire ancienne, et on découvre un jardin où il n’y a ni vraies fleurs, ni vrai arbre.

Pourtant, chaque parfum est nommé d’après un jardin réel. La fantaisie se mêle à la réalité, mais dans l’ensemble, vous avez le sentiment d’être dans un « autre » royaume.

Vous nous racontez ainsi une histoire dans chaque jardin, pour chaque parfum : les mots sont vos complices. Depuis longtemps ?

Clara : En effet j’ai l’amour des mots. (ndlr : auteur d’une vingtaines d’ouvrages dont de nombreuses biographies).

Chaque parfum porte ici  le nom d’un jardin réel ou métaphorique. Chaque texte – que je lis au rythme des vidéos – poétique, musical, souhaite vous transporter ailleurs. Chaque mot entre en résonnance avec les images et les parfums.

On traverse ainsi des jardins, des pays mais aussi des époques, en particulier le 18ème que vous affectionnez semble-t-il...

Clara : C’est vrai. Pour le parfum, Trianon Tubéreuse, je suis tombée par hasard sur un texte de l’époque qui fait mention des tubéreuses qui provoquaient l’évanouissement des jeunes filles dans le jardin de Versailles.

C’est aussi le siècle où la France brille dans toute l’Europe, par sa culture et par sa parfumerie…

L’expérience est comme une invitation à nous réfugier dans une bulle, un cocon, le temps d’oublier l’extérieur ?

Clara : En quelque sorte, oui. C’est une immersion sensorielle où nos sens sont conviés à une évasion émotionnelle.

Michel : Quitter la salle d’expérience et retourner dans le monde agité de tous les jours est un peu difficile à imaginer. C’est aussi un peu comme un refuge passager : on a donc tendance à s’attarder et flâner.

BIO ET REPERES

Né à Saint-Pétersbourg en 1914, Yuri Gutsatz arrive à Paris dans les années 1930. Il rejoint d’abord les parfums de Mury, avant de devenir chef parfumeur chez Roure, aujourd’hui Givaudan. Il y restera trente ans. Au tournant des années 1960, il part à Bombay en Inde pendant six ans pour diriger une usine de production de matières premières à destination de la parfumerie. À son retour en France, Yuri réalise le virage pris par l’industrie et fonde Le Jardin retrouvé.

Auteur d’un article publié en 1979, « Parfumeur, ton nom est personne », grâce à cette nouvelle marque, à une époque où les couturiers sont davantage mis en avant, il souhaite remettre les matières premières de qualité et le parfumeur au cœur du processus.

Quand il disparaît en 2005, la maison sommeille pendant dix ans. Son fils Michel, accompagné de son épouse, l’artiste Clara Feder, décident en 2016 de perpétuer son héritage.

Parmi les quelques 2000 formules originales laissées par Yuri, sept sont sélectionnées, retravaillées par le parfumeur Maxence Moutte et rééditées. Trois nouvelles créations, inspirées elles aussi des archives de la maison, les rejoignent en 2018.

On y retrouve des notes ambrées, cologne, aux reflets chyprés, au charme nostalgique qui rappelle l’univers de l’Officine Universelle Buly ou de Santa Maria Novella. Elles invitent à un voyage à travers la parfumerie traditionnelle via des eaux fraîches d’antan au thème oriental, en passant par le mythique accord cuir de Russie.

A suivre ici notre vidéo de la visite guidée en exclusivité de l’Expérience Store :

https://www.youtube.com/watch?v=ZObkw5Aiizw