Remettre le parfumeur au coeur de la création : Patricia de Nicolaï rappelle les origines de sa marque qui allie indépendance, création et passion. Celle-ci se décline sur plusieurs notes parfumées… mais pas seulement.

Parler de musique classique avec Patricia de Nicolaï, c’est comme lui mettre en main un instrument… « Le hautbois par exemple. Alors, une nouvelle vie commencerait » commente-elle en évoquant ensuite Dietrich Buxtehude (1537-1707 – danois, professeur de JS Bach). Et, le regard soudain plus lumineux, de poursuivre : ” C’est si beau… Je suis sensible aux frottements des notes. A L’harmonie des sons. Aux échos des voix… Le parfum, comme la musique, est un art du temps. Les sons, comme les odeurs, s’approchent de vous, vous envahissent et disparaissent. Dans une autre vie, je serais compositeur ! “

Ce qu’elle est déjà un peu en tant que parfumeur comme elle le raconte si bien : composer un parfum, « c’est comme en musique, trouver le bon accord ; la qualité de l’harmonie, l’équilibre des proportions et l’intensité olfactive de chacune d’elles ». Naît alors la première impression olfactive, cette fameuse note de tête, suivie de la dominante, la plus perceptible au point de vue olfactif. ” Exalter ou mettre en valeur dans la composition une ou plusieurs notes “, jusqu’à la phase finale, la note de fond qui persiste après l’évaporation …

Quant à l’effluve, il s’imprime dans le sillage de la personne qui le porte… troublant les sens de ceux et celles qui la croisent. Comme ce fut le cas lors d’un voyage en Corée en 2000 : “j’ai rencontré quelqu’un qui portait Fig Tea. L’effet fut incroyable. C’était comme des retrouvailles avec quelqu’un perdu de vue depuis longtemps. C’était très émouvant. J’ai découvert des facettes que je n’avais pas vues en le créant ».

Car si la création est certes passionnante pour Patricia, elle a aussi un aspect ” un peu frustrant. Là où on sent le mieux nos parfums, c’est sur les autres. On n’a pas assez de cobayes. Imaginez un couturier sans mannequin ” ! En attendant, on peut ” m’arrêter dans un ascenseur alors que je porte Kiss me Intense (si secret et vanillé) et me demander ce que c’est ! » Fière, elle évoque alors sa collection, ses produits, « son trésor » – Les Ouds, Les Intenses, les Eaux de toilette, les Eaux fraîches, les Eaux de Cologne, les parfums d’ambiance : tous relatent à leur manière et à travers leurs noms finement choisis, l’épopée de la maison créée en 1989 avec son mari Jean-Louis Michau.

Une histoire de famille et d’indépendance

“Je fais partie de la sixième génération, et ne suis jamais rentrée chez Guerlain, même pour un stage. C’est étrange, mais c’est comme ça !” rappelle Patricia.

Le frère de sa grand-mère était le grand PDG de la Maison Guerlain fondée en 1828. La société a toujours été dirigée par des hommes. Il n’avait pas eu d’enfants mais avait des neveux et nièces. ” Il savait que j’étais dans le parfum. Mais dans ma famille on me disait, ” tu vas te marier, tu auras des enfants… finalement non, ce n’est pas possible “.

Et d’évoquer son enfance “choyée, gaie, baignée dans le parfum” ; entourée de sa grand-mère qui portait Après L’Ondée, sa mère Shalimar, son père Vetiver, elle a grandi dans une famille dont elle hérita le sens de l’effort. Après des études en chimie, elle intègre l’école de parfum de Versailles, l’ISIPCA et, de stage en stage, découvre les matières premières, les marques (Chanel et Cristalle, Diorissimo, Eau Sauvage de Dior, Shalimar…), puis la production. Elle fait des rencontres inoubliables, comme celle de Jean-Claude Ellena « aux sillages et vibrations d’un autre style ».

Persévérance et travail

Après l’obtention de son diplôme, elle est allée chez Firmenish où elle avait fait un stage. « On veut bien vous prendre, mais pas en création, en évaluation ! » lui a-t-on dit. Pas beaucoup de femmes en création à l’époque ! ” Mais j’ai eu la chance d’intégrer une équipe de parfumeurs chez Quest. Ils m’ont énormément transmis, ” reconnait-elle.

Au fil du temps, on lui a demandé plus de responsabilités, notamment d’aller à l’étranger. A l’époque, enceinte de son troisième fils, elle décide de s’occuper de sa famille en prenant une ou deux années sabbatiques.

” Impossible, lui a dit mon mari. Tu auras trop de difficulté à rejoindre le secteur qui va très vite ». N’ayant peur de rien, il a eu alors l’idée de se reconvertir.  Elle poursuit : ” ensemble, nous avons lancé notre marque de parfum. J’étais libre de mon temps de travail, libre de créer, libre d’équilibrer ma vie de famille et ma passion. Sans mon mari, rien n’aurait été possible ! “

Remettre en avant le métier du parfumeur-créateur

Pour Patricia, il doit pouvoir apporter une signature olfactive représentant l’ADN de la marque, lui donnant ainsi une identité plus forte. Bref, revenir au parfumeur « in house ». Selon elle, une signature olfactive doit être visible. C’est pourquoi elle a eu envie de créer sa propre maison de parfum en reprenant son nom de jeune fille, en tant que parfumeur qui signe ses créations.

Dans le même temps, elle a longtemps contribué à redonner vie à d’anciens parfums au sein de l’Osmothèque, conservatoire de Parfums d’antan à Versailles.

Installée près du Palais Royal, elle puise son inspiration dans ce qu’elle aime et ce qui l’entoure. “A commencer par la rose que j’ai voulu réécrire… comme un peintre qui retouche un tableau. ” Aujourd’hui, la collection d’une quarantaine de parfums s’agrandit régulièrement.

 

Le label Paris grandit …

Le label Paris pour une maison de parfumerie à l’international est important. Elle confirme : “dans un premier temps, nous avons ouvert sept boutiques à Paris, plus deux à Londres. Et depuis une dizaine d’années, nous nous développons à l’export. La marque est maintenant présente dans une quarantaine de pays et compte plus de 200 points de vente. “

 

A découvrir… une des boutiques, 31 rue de Chartres à Neuilly-sur-Seine, où le décor est à l’image de la marque : indépendante, artisanale, familiale et extrêmement élégante.

 

@Photos : source pnicolai.com

https://www.osmotheque.fr

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