Plante à parfums, le jasmin fascine, inspire et se raconte. ici avec Sandrine Teyssonneyre qui porte sur les fleurs à parfums un regard historique et global.

Il est difficile de dire d’où vient le jasmin. Il est clair que certaines espèces sont originaires de Chine, où la fleur séchée est incluse dans le thé. Il aurait peut-être été ramené des pieds de l’Himalaya par les marchands persans et arabes. Le mot “jasmin” est d’origine persane (yâsaman) et ses dérivés, tels Yasmeen ou Yasmina, signifient “cadeau de Dieu”. Dans le panthéon indien, le jasmin est consacré à Shiva, dieu danseur et destructeur-créateur. La poésie indienne dit : “Un jasmin en fleur sur la tête, du santal avec du safran sur le corps, une femme très chère et attrayante sur le corps, tout ceci est un reste du paradis céleste.”

Le jasmin Grandiflorum

Jasminum Grandiflorum, à cinq pétales, est aussi appelé « jasmin de Grasse » ou « jasmin d’Espagne ». Aujourd’hui, lorsque l’on parle de jasmin d’Égypte, l’on se réfère aussi à celui-ci car l’Égypte ne produit plus de jasmin Sambac. Dans les deux cas, la fleur n’est pas distillée mais extraite au solvant volatil pour produire une concrète et un absolu. Il faut environ 7 millions de fleurs pour produire un kilo d’absolu. La cire qui reste après l’extraction de l’absolu a des applications cosmétiques, mais sert aussi à la confection de bougies et autres produits parfumés.

L’Inde (6 millions de tonnes) et l’Égypte (4,5 millions de tonnes) produisent 95% de la concrète issue de cette variété, avec des rendements juste en-dessous de 0,3%. Le Maroc et la Chine sont de plus petits producteurs. Quant à la production grassoise, autrefois significative, elle reprend de l’importance grâce aux investissements de quelques grandes maisons de parfumerie, à la fois dans l’acquisition de champs et dans la filière de distillation. La fleur est récoltée en Inde de juin à décembre (un peu moins en Égypte), et en août à Grasse. Les fleurs sont récoltées à la main à partir de l’aube.

Le jasmin Sambac

La fleur de jasmin Sambac a de plus nombreux pétales que l’autre. Originaire des plaines du Gange, le Sambac fut identifié par le botaniste suédois Carl von Linné en 1753 comme jasminum arabicum Nyctanthes sambac. Sambac vient du sanskrit campaka, qui est le nom du magnolia indien, jaune ou blanc, aussi utilisé en parfumerie comme Champaca. Il est largement cultivé en Asie (aux Philippines, on l’appelle sampaguita), en Turquie, en Amérique centrale, dans les îles de l’Océan Indien, et peut pousser dans le sud de la France s’il ne gèle pas…

La production mondiale de concrète de jasmin Sambac oscille autour de 3 millions de tonnes, l’Inde étant encore le premier producteur, suivie de loin par la Chine. L’Égypte produisait cette variété dans les années 70 et ne le fait plus. Le prix de l’absolu de jasmin Sambac est directement lié au rendement à l’extraction, qui est moins de la moitié de celui du Grandiflorum, soit 0,13%. La saison de cueillette commence et finit plus tôt dans l’année.

Autres variétés

D’autres variétés de jasmin, tels Jasminum auriculatum, Jasminum flexile et Jasminum asteroides, sont testés dans des créations quasiment confidentielles. Les compositions biochimiques de tous ces jasmins étant différentes, ils ouvrent de futures portes en parfumerie, de niche en particulier.

Une vieille histoire

Le jasmin est espagnol et italien avant d’être grassois En effet, jusqu’au XIXème siècle, les traités de parfumerie recommandent d’utiliser les jasmins des pays du Sud méditerranéen, car ils sont plus odorants. Et le jasmin est une fleur fondamentale : elle sert à nettoyer les peaux et à enfleurer les éventails et les gants, en particulier ceux à la frangipane, à préparer des eaux composées et des essences, et à fabriquer des pommades et des poudres. Les marcs de distillation ou les pétales peuvent être incorporés dans des sachets ou des pastilles à brûler. Mais le jasmin a la réputation d’être une fleur difficile puisque, contrairement à la rose et à la fleur d’oranger, il ne peut être « tiré à l’eau ».

L’eau de jasmin obtenue par distillation au bain-marie des fleurs infusées dans de l’eau tiède, puis écumées, puis de nouveau plongées dans l’eau froide apparaît dès Le parfumeur royal de Simon Barbe (1699). Dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, Dejean prévient dans son Traité raisonné de distillation que le jasmin est le test du distillateur. Dans le Traité des odeurs, il décrit trois techniques pour produire une huile de jasmin : 1) en imbibant des linges d’huile d’amande douce, de ben ou de noisette sur lesquels on dispose les fleurs ; une fois les linges bien imprégnés dans une boîte fermée, ils sont essorés. Une eau de jasmin peut être produite en mélangeant cette huile à de l’esprit de vin rectifié, et en laissant reposer 15 jours ; 2) par enfleurage à sec des fleurs sur un lit d’amandes pilées, le tout enfermé dans une boîte. L’huile est tirée par pressage. La pâte de Provence est ce qui reste des amandes saturées lorsque l’huile a été tirée. On s’en sert pour se laver les mains ; 3) on cueille les jasmins à l’aube et on les met dans une bouteille avec des cotons imbibés d’esprit de vin ; on infuse jusqu’à ce que l’on puisse tirer l’esprit parfumé. Rien n’a changé en 1801 lorsque Jean-Louis Fargeon publie L’art du parfumeur. Les « fleurs [de jasmin] ne fournissent point d’eau odorante par la distillation » dit-il ; « ainsi l’essence de jasmin qu’on nous apporte d’Italie n’est qu’une huile de béen aromatisée par les fleurs de jasmin »,

Le jasmin est incorporé à de nombreuses eaux composées, dont les recettes perdurent au XIXème siècle. Pommades et formules se raffinent, avec l’addition des essences d’ambre, de musc, de baumes Tolu et Pérou, de fève tonka, de vanille, de safran. Sous le Second Empire, la pommade de jasmin entre dans plusieurs pommades de fleurs composées, dont celles de jonquille, de lilas, de violette, de seringa, de muguet, de cassie, de tubéreuse, d’héliotrope, mais aussi les pommades au bouquet, pot-pourri, à l’œillet, à la sultane, à la duchesse, à la frangipane, aux fleurs d’Italie, impériale (où entre le fénugrec) et de Flore. Ainsi, l’on commence à voir les contours de parfums qu’un Houbigant ou un Guerlain, encore aujourd’hui, ne démentiraient pas.

Extraction

Dans The Essential Oils, Ernest Guenther ne mentionne pas le jasmin Sambac, se contentant de traiter de la culture du Grandiflorum à Grasse, en Italie et en Sicile, au Maroc et en Égypte. À la fin des années 1940, 15% de l’absolu de jasmin produit à Grasse est issu de l’enfleurage. C’est vers la même époque que la culture du jasmin pour la parfumerie a commencé au Maroc. L’absolu est un liquide visqueux de couleur jaune-brun, qui durcit lorsqu’il vieillit. Parmi les conditions qui déterminent la qualité et les rendements des absolus sont, bien sûr, la nature du sol et de l’ensoleillement des cultures, la récolte à l’aube, le traitement immédiat de la fleur et des techniques délicates d’extraction. La récolte en Afrique du Nord commence près de deux mois plus tôt qu’à Grasse et continue jusqu’à fin novembre.

La chimie du jasmin dont il fait état est celle des absolus par extraction au solvant. Elle est généralement sans surprise : esters dont acétates de benzyle et de linalyle, benzoate de benzyle (et alcool), anthranilate de méthyle ; alcools terpéniques et sesquiterpéniques dont géraniol, nérol, nérolidol, linalol, terpinéol, farnésol ; des composants aromatiques dont eugénol et crésol ; des lactones ; des aldéhydes, dont benzaldéhyde ; des cétones dont la jasmone et l’asarone ; et de l’indole. Il ne mentionne pas l’hédione, ce qui semble logique puisque cette molécule fut découverte plus tard.

L’indole, une substance solide à l’air libre, est présent dans le goudron et les excréments humains. Il fut isolé à partir de l’indigo. Étrangement, à faible concentration, l’indole sent la fleur blanche, jasmin et fleur d’oranger en particulier. Il explique l’association classique entre ces deux fleurs en parfumerie.

L’enfleurage, modernisé par la chimie et les techniques d’extraction contemporaines, fait un retour remarqué, à la fois pour la parfumerie de très grand luxe et pour la parfumerie naturelle.

L’hédione

À la fin des années 50, 87% des molécules du jasmin avaient été identifiées ; néanmoins, il manquait quelque chose, une molécule absente, pour rendre l’odeur complète de la fleur. C’est à cette époque que la firme suisse Firmenich demanda à l’un de ses chimistes, Edouard Demole, de concentrer sa thèse sur l’étude de la concrète de jasmin Grandiflorum. Demole identifia alors le jasmonate de méthyle, qu’il synthétisa quelques années plus tard sous le nom d’hédione, ou dihydrojasmonate de méthyle. Bien que l’acceptation de la nouvelle molécule fût lente, Firmenich insista à son développement en l’envoyant à divers parfumeurs, dont Edmond Roudnitska, chez Dior.

C’est ainsi que l’hédione, dont le prix de revient était 1/20ème du prix de l’absolu de jasmin de l’époque et baissait, fut utilisée (2,5% selon une source) dans Eau Sauvage, lancé en 1966, et ensuite dans Diorella (1972, 8%). Parmi les utilisations ultérieures, l’on peut noter le No. 19 (près de 13% d’hédione) et Cristalle (26%) de Chanel, ainsi que les “eaux” des années 70, et First de Van Cleef & Arpels (18%).

En dehors du fait que l’hédione enlève une partie de l’animalité du jasmin et apporte un côté très vert et léger, la molécule a aussi un effet intégrateur, voire modificateur, sur les molécules qui l’entourent. L’hédione, quant à elle, est présente à l’état naturel dans le thé et une variété d’orange brésilienne.

Le jasmin de la parfumerie

Le jasmin de Grasse est lié à l’essor de la parfumerie moderne et de la ville qui en fut son centre à partir du XVIIIème siècle, et surtout au XIXème. Ce n’est qu’à la fin de ce siècle que les maisons Chiris et Roure, notamment, inventent les modes d’extraction au solvant qui vont mettre fin à la production traditionnelle des pommades et révéler les véritables effluves de la fleur, sans odeur de gras, ni traces de résines (benjoin, storax, baumes).

Le Jasmin de Molinard (1860) est encore un produit de la parfumerie traditionnelle. En 1906, François Coty lance son Jasmin de Corse, soliflore qui incorpore le nouvel absolu ou “produit naturel sans cire”Chez Guerlain, le jasmin est de la partie dans Jicky (1889), Après L’Ondée (1906), L’heure bleue (1912) et Mitsouko (1919), avant de s’incorporer dans la Guerlinade, d’abord un parfum en 1921, puis la base de tous les parfums de la maison avec l’iris, la fève tonka, la rose, la vanille et la bergamote. Liu (Jacques Guerlain, 1929) en donne une version modifiée, avec aldéhydes en tête (le parfum vient d’être relancé par Guerlain avec un cœur de rose et jasmin).

Guerlain va aussi donner au jasmin une place au cœur des parfums masculins, notamment dans Mouchoir de Monsieur en 1904, où le jasmin est en compagnie des deux autres, la rose et la fleur d’oranger, avant d’être immortalisé, soixante ans plus tard, dans Habit Rouge, dont le cœur est partagé entre les deux reines de la parfumerie, rose et jasmin. Le jasmin est bien entendu au cœur de l’immense bouquet floral que constitue Quelques Fleurs d’Houbigant en 1912.

Le “Chypre”, un schéma olfactif millénaire, est codifié par François Coty pour les temps modernes. Le cœur des chyprés est typiquement constitué de rose et de jasmin, ce qui va donner à ce dernier une famille tout entière dans laquelle il sera invariablement incorporé. Au milieu du XXème siècle, 80% des parfums contenaient du jasmin.

1920-1950

Coco Chanel aura besoin de beaucoup de jasmin pour donner naissance au No. 5 (avec rose et ylang) en 1921 ; jasmin encore, avec rose et jacinthe, dans le No. 22 l’année suivante, et dans Bois des Îles en 1926. Parmi les Exclusifs de Chanel qui perpétuent la mémoire des grands crus passés, citons 31 rue Cambon (prune, iris et jasmin) et Coromandel (jasmin et poivre noir en cœur). Puis viendront dans les années 70, le No. 19 et Cristalle, où le jasmin prend une note verte emblématique de cette époque.

Pour revenir aux années 20, le jasmin est en cœur du bouquet floral d’Arpège de Lanvin en 1927 et dans l’ambré racé, Habanita, de Molinard en 1924 (avec rose et fleur d’oranger). Il est un favori de même chez Caron : dans Nuit de Noël en 1922, dans le Narcisse Blanc l’année suivante (comme dans le Narcisse Noir de 1911), dans En Avion en 1930 et Fleur de Rocaille en 1933, dans French Cancan en 1936, et dans Nocturnes en 1961. En 2021, Jean Jacques a reformulé Lady Caron avec des fleurs blanches et de la pêche autour du jasmin. Le “parfum le plus cher du monde”, lancé en 1930 par Jean Patou sous le nom de Joy, a le jasmin en cœur, ainsi que maintes créations suivantes, dont le 1000 en 1972 (avec l’osmanthus) et Sublime en 1992. Le récent Iris de Fath, qui fait renaître un parfum de 1947 de la maison de couture, a du jasmin en cœur.

Dans l’immédiat après-guerre, Germaine Cellier met le jasmin en cœur de Bandit et de Fracas, pour Robert Piguet, et de Vent Vert de Balmain (très vert avec du galbanum). Miss Dior (1947) a un cœur de jasmin, rose, gardénia, girofle, narcisse, néroli et œillet. Jasmin dans Le Dix de Balenciaga en 1947 et dans Quadrille en 1955. Edmond Roudnitska, avant l’invention de l’hédione, met du jasmin dans le cœur de sa Femme pour Rochas en 1944 et Diorama pour Dior en 1949.

La modernité

Les deux fleuris épicés incontournables que sont L’Air du Temps (Nina Ricci, 1948) et Fidji (Guy Laroche, 1966) associent le jasmin à l’œillet et à la rose, puis à la violette dans le premier cas et l’ylang dans le second, avec iris et girofle. Fleur Oriental de Miller Harris reprend l’association jasmin, œillet, rose. Calice Becker a modernisé le parfum iconique de Nina Ricci dans un flacon ensoleillé de toile de Jouy jaune, colombes incluses (rappelons-nous que le premier flacon était en forme de soleil). Sous le nom L’air du Temps à Paris chez Antoinette Poisson, la version 2021 affiche l’odeur du temps avec jasmin, ylang et tubéreuse sous une envolée de yuzu et baies roses. First de Van Cleef & Arpels est un magnifique fleuri, presque chypré vert, version années 70, avec en cœur jasmin, jacinthe, bourgeon de cassis, hédione, girofle, narcisse et rose. Opium et Rive Gauche d’YSL ont tous deux le jasmin en cœur parmi les parfums de la maison du couturier qui aimait tant le Maroc, où pousse le Grandiflorum.

À Grasse, Molinard offre un Jasmin dans la collection “Les Éléments” et la fleur est présente dans nombre de créations, dont mon favori, Molinard de Molinard, qui coche les cases d’un chypré contemporain.

De l’autre côté de l’Atlantique, le jasmin fascine tout autant, si ce n’est davantage. De la Private Collection d’Estée Lauder, où le jasmin est en cœur avec narcisse et rose, aux parfums plus récents, et à ceux de la petite-fille, Aerin Lauder, le jasmin est dans quasiment tous les bouquets floraux, dont le Private Collection Jasmine White Moss d’Aerin Lauder (2009) avec galbanum, fleur d’oranger et ylang. Lancé en 2013, Ikat Jasmine est un quasi-solinote où la fleur est entourée de tubéreuse et d’un chèvrefeuille cher à Aerin Lauder.Le jasmin fait partie de la composition de J’adore et de plusieurs de ses flanqueurs, de Dior Addict et plusieurs de ses flanqueurs, et de quelques noms dans la collection exclusive, Maison Christian Dior, dont le régalien Grand Bal (avec hédione, pêche et ylang en cœur) et Jasmin des Anges (abricoté avec l’osmanthus). Chez Lancôme, le jasmin faisait partie de Magie (1950) avant qu’elle ne devienne Magie Noire en 1978, et il est bien évidemment inclus dans la recette du succès apparemment sans limite qu’est La Vie est Belle. Dominique Ropion a créé, pour la nouvelle collection de haute parfumerie Maison Lancôme, un Jasmins Marzipane, qui, bien que gourmand (le parti pris de cette collection), laisse néanmoins transpirer la solarité des deux jasmins. Chez Givenchy, Sophie Labbé met le jasmin au cœur d’un bouquet très équilibré où la tubéreuse et l’ylang sont aux côtés de la fleur d’oranger dans Organza (1996). Une autre balade sensuelle dans l’Alhambra andalou est proposée par la maison Memo dans Granada, où jasmin et fleur d’oranger sont mariés à la bergamote et à la grenade.

Nombre de parfums masculins incorporent le jasmin, de par sa note animale mais aussi sa note verte qui s’accorde avec les plantes aromatiques et les agrumes. Citons Green Water de Jacques Fath (1947), où il est en fond, Must de Cartier (1981), où il est en cœur avec galbanum, rose, ananas, pêche et narcisse, et Antaeus de Chanel, la même année, où il est en cœur avec la rose. Le Cèdre Sambac de Christine Nagel pour Hermès me semble très androgyne.

Au 24 Faubourg St Honoré, le jasmin se trouve dans Calèche (1961), puis dans 24 Faubourg (avec la fleur d’oranger), et dans Jour d’Hermès et plusieurs de ses flanqueurs, de même que dans le récent Twilly et sa version Charming. Une de mes interprétations contemporaines favorites de la fleur blanche est Le Jardin de M. Li de Jean-Claude Ellena pour hermesHermès, où le jasmin repose dans une nuée d’hédione en cœur avec le néroli et une note verte prononcée qui donne à ce parfum un côté aqueux évoquant l’Asie des moussons. Note chinoise aussi dans le Jasmin de Le Labo (Maurice Roucel), où la litsée citronnée (ou verveine exotique, une Lauracée d’Extrême-Orient) réveille les fleurs blanches avec sa note citronnelle. Et le Jasmin d’Eau de Maison Lancôme (2021) est également planté en Asie avec sa pêche en tête, une note thé et la fleur de prunier. Le Jasmin Majorelle du Jardin Retrouvé prend des accents marocains avec fleur d’oranger, sauge, citron et coriandre.

Contemporains

Le Jasmin de Nuit de Céline Ellena (The Different Company) a un cœur de cardamome, jasmin et badiane. L’absolu de jasmin Sambac fait partie de la potion d’amour éternel de Bleu Framboise de Jean-Michel Duriez, avec ylang, la rose de Damas et un accord framboise.

De Penhaligon’s à Creed en passant par Jo Malone (Jasmin Sambac & Marigold), le jasmin a les honneurs des nez outre-Manche. Citons Cornubia de Penhaligon’s, dont le cœur est de jasmin et de fleur d’oranger, et The Bewitching Yasmine dans la récente collection des “Portraits”. L’association entre les deux fleurs blanches chères à la parfumerie de la reine se retrouve dans Jasmin Rêvé de Au Pays de la Fleur d’Oranger et Boucheron Place Vendôme de Boucheron (avec un accord pivoine). Juste à temps pour la cueillette estivale de la fleur, Floraïku a inscrit le jasmin dans This July Evening, sorti au printemps 2020. En 2022, Graham & Pott, aux emballages orange, a sorti Mon Jasmin pour le jubilée de la reine Elizabeth II, capiteux avec tubéreuse et iris.

Annick Goutal honore le jasmin dans Mon Parfum Chéri (avec prune et rose), Tenue de Soirée (avec rose et fruits rouges) et Le Jasmin (avec gingembre et magnolia). Chez Serge Lutens, le jasmin est au cœur de À La Nuit, La Myrrhe et Tubéreuse Criminelle. De cette dernière à La Religieuse, il n’y a qu’un pas, à en croire que la nonne aurait bien besoin de recevoir en son cœur les flèches de la fleur de l’amour.

Chez Pierre Guillaume, le jasmin répond au numéro 23 ; nous le trouvons en particulier dans Jasmagonda, porté par un cèdre himalayen et ambré de fève tonka. Le jasmin est une des 3 Fleurs de la composition éponyme de Parfum d’Empire ; il est associé au gardénia dans le Jasmin Noir de Bulgari et au genêt, à l’ylang et au néroli dans le Jasmin Rouge de Tom Ford. Le Jasminum Sambac de Chloé dans la collection “L’Atelier des Fleurs” est un quasi-solinote au jasmin de l’Inde. Celui-ci se retrouve dans le cœur vert du Jasmin Kusamono de Dominique Ropion pour Armani, avec une poire Nashi aqueuse, épicée de baies roses en tête.

Parmi les anciennes maisons réveillées par de jeunes entrepreneurs, il faut mentionner Maison Violet dont le Tanagra, lancé en 1922, a été retravaillé autour du jasmin, de l’iris et de la pivoine. Cette maison, qui traversa brillamment le XIXème siècle, a été ressuscitée en 2017 par trois anciens étudiants de l’École Supérieure du Parfum. En 2021, Maison Violet a réintroduit Compliment, dont l’original de 1939 s’écrivait au pluriel. Ce poème de fleurs blanches, signé Nathalie Lorson, incorpore les deux jasmins, l’ylang, la tubéreuse, le freesia et la fleur d’oranger.

Une autre “belle endormie” ressuscitée est la maison Cherigan (1929). On trouve le jasmin notamment dans Or des îles avec ylang et vanille. L’Atelier Français des Matières honore un Grandiflorum égyptien dans Jasmin de Cherifa, avec rose et santal, alors que le jasmin accompagne l’osmanthus et une note tabac dans Cuir de Chine et vanille et résines dans Oriental Velours, tous deux chez Les Indémodables.

L’Interdit de Givenchy a un nouveau flanqueur en 2022, Nocturnal Jasmine, exotique avec patchouli et vétiver.

L’odeur de la Riviera

Il faut s’offrir au moins une fois le savon au jasmin d’Espagne d’Oriza L. Legrand car il est une pure expression du Grandiflorum. Chez le parfumeur de Louis XV, nous trouvons un jasmin Sambac désuet dans Secret Joly avec ylang, tubéreuse et gardénia sur des notes de fond comme la maison en a l’habitude. La maison Abriza, dont le nom grec signifie “or pur”, propose une brume de linge au nom de Jasmin Phénicien qui, à mon sens, est beaucoup trop belle pour être pulvérisée sur des draps. La maison précise que cette brume peut être utilisée comme eau de toilette.

Jasmin de Pays de Perris Monte Carlo, que l’on doit à Jean-Claude Ellena, associe le jasmin au tagète épicé de girofle et représente “la fleur” à merveille. Lysandra du Couvent (des Minimes) est un jasmin de bord de mer aux effluves d’agrumes.

Le jasmin était la fleur de l’année 2015 de la maison Fragonard, qui incorpore « la fleur » dans nombre de ses créations, dont le soliflore Jasmin, très « Côte d’Azur ».

Géopolitologue de métier, Sandrine Teyssonneyre écrit sur l’histoire des matières premières et du parfum du point de vue d’une histoire longue et globale.

Références :

« Jasmine: An Overview of its Essential Oils & Sources », Perfumer & Flavorist, janvier 2019.

Christian Chapuis, Firmenich SA, “The Chemistry and Creative Legacy of Methyl Jasmonate and Hedione”, iPerfumer & Flavorist, novembre 2011.

Ernest Guenther, The Essential Oils, réédition de 1975.

Les anciens traités de parfumerie français sont généralement disponibles sur le site de la Bibliothèque nationale, Gallica.

Isabelle sadoux, redactrice 

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